Le
: 17/06/2020
Conseil d’État
N° 426342
ECLI:FR:CECHR:2020:426342.20200609
Inédit au recueil Lebon
3ème
- 8ème chambres réunies
Mme Pauline Berne,
rapporteur
M. Laurent Cytermann,
rapporteur public
SCP L. POULET-ODENT,
avocat(s)
lecture du mardi 9 juin
2020
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure
suivante :
Mme A... B... a demandé
au tribunal administratif de Nice la décharge des cotisations supplémentaires
d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été
assujettie au titre des années 2007 à 2009 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1500827 du 26 octobre 2017, le tribunal administratif de
Nice a rejeté sa demande.
Par un arrêt n°
17MA04955 du 16 octobre 2018, la cour administrative d’appel de Marseille a,
sur appel de Mme B..., réformé ce jugement, déchargé Mme B... des cotisations
supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales
correspondant à la déduction des intérêts de l’emprunt contracté par la SCI
Marina Airport et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi,
enregistré le 17 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat,
le ministre de l’action et des comptes publics demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler les
articles 1, 2, 3 et 5 de cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire
au fond, de rejeter l’appel de Mme B....
Vu les autres pièces du
dossier ;
Vu :
- le code général des
impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice
administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en
séance publique :
- le rapport de Mme
Pauline Berne, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M.
Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été
donnée, avant et après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de
Mme A... B... ;
Considérant ce qui suit
:
1. Il ressort des
pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’à la suite d’une vérification de
comptabilité, l’administration a remis en cause la déduction, au titre des
revenus fonciers de Mme B... pour les années 2007 à 2009, des intérêts de
l’emprunt qui a été contracté par la SCI Marina Airport, dont elle était l’un
des quatre associés à parts égales, pour financer le rachat des parts d’un
autre associé. Par un jugement du 26 octobre 2017, le tribunal administratif de
Nice a rejeté la demande de l’intéressée tendant à la décharge, notamment, des
cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et aux contributions
sociales auxquelles elle a été assujettie par voie de conséquence ainsi que des
pénalités correspondantes. Le ministre de l’action et des comptes publics se
pourvoit en cassation contre l’arrêt du 16 octobre 2018 de la cour
administrative d’appel de Marseille en tant qu’il a prononcé la décharge des
sommes en cause et réformé, en ce sens, le jugement de première instance.
2. Aux termes du 1 de
l’article 13 du code général des impôts : “ Le bénéfice ou revenu imposable est
constitué par l’excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et
avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l’acquisition et de
la conservation du revenu “. Aux termes de l’article 14 du même code : “ (...)
sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu’ils ne sont pas
inclus dans les bénéfices d’une entreprise industrielle, commerciale ou
artisanale, d’une exploitation agricole ou d’une profession non commerciale :
1° Les revenus des propriétés bâties (...) “. Aux termes de l’article 28 du
même code : “ Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant
du revenu brut et le total des charges de la propriété “. Aux termes de
l’article 31 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige
: “ I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu
net comprennent : 1° pour les propriétés urbaines (...) d) Les intérêts de
dettes contractées pour la conservation, l’acquisition, la construction, la
réparation ou l’amélioration des propriétés (...) “.
3. Il résulte de la
combinaison de ces dispositions que, sauf disposition législative spécifique,
seuls les intérêts des emprunts contractés pour l’acquisition de biens ou
droits immobiliers destinés à procurer des revenus fonciers sont déductibles du
revenu brut foncier. Il en va notamment ainsi des intérêts des emprunts
souscrits par un associé pour acquérir les parts d’une société de personnes
dont les résultats sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers. Il
en est de même pour le remboursement des parts d’un associé par une telle
société lorsqu’il est établi que l’emprunt est nécessaire pour la conservation
du revenu foncier de celle-ci.
4. Il ressort des
pièces du dossier soumis aux juges du fond, d’une part, que la SCI Marina
Airport, dont il est constant qu’elle était soumise au régime de l’article 8 du
code général des impôts, était propriétaire d’un complexe commercial donné en
location et, d’autre part, que ses résultats étaient imposables dans la
catégorie des revenus fonciers entre les mains de ses associés. Après avoir
relevé, par une appréciation souveraine qui n’est pas arguée de dénaturation,
que cette société avait été condamnée par décision de justice à rembourser les
parts d’un de ses associés et que l’inexécution d’une telle décision exposait
la société et les associés restants au risque, notamment de la vente du bien
dont il s’agit, la cour a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit, que
les intérêts de l’emprunt qu’elle avait souscrit pour rembourser ces parts
étaient déductibles en application des dispositions précitées de l’article 31
du code général des impôts.
5. Il résulte de ce qui
précède que le ministre de l’action et des comptes publics n’est pas fondé à
demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque. Dans les circonstances de
l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement à Mme B...
d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le
pourvoi du ministre de l’action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L’Etat
versera à Mme B... une somme de 1 000 euros au titre de l’article L.761-1 du
code de justice administrative.
Article 3 : La présente
décision sera notifiée au ministre de l’action et des comptes publics et à Mme
A... B....